Kelibia , le dernier Paradis sur terre

Kelibia , le dernier Paradis sur terre

mercredi 26 mai 2010

La révolution de "Klem el 9be7a"

I have a dream, c’est que, un jour, je peux m’exprimer en toute liberté !

Klem el 9be7a pour moi, est un moyen linguistique très puissant et très riche, ceci indépendamment des longs discours a l’eau de rose des moralistes , primo, parce que on « acquière » systématiquement une certaine notoriété dés qu’on le prononce, et secondo car la variabilité du sens de chaque mot par rapport au contexte est vraiment fascinante ! « **** » a titre d’exemple peut signifier traitre, malhonnête, trahi conjugalement , ou un simple travailleur dans un moulin ce qui est spectaculaire vu la différence flagrante des 3 sens, notamment pour « fils de **** » qui fait allusion a la fois a quelqu'un d’une intelligence exceptionnelle ou bien un individu qui doit opter pour « prostituée » devant le champ « profession de la mère » dans les fiches de renseignements qu’on est sensé rendre a des profs curieux !

Mais ce qui est gênant cependant , c’est les personnes gonflantes qui se font passer pour les protecteurs de la morale (jusque la , philosophiquement on n’a pas pu définir ce mot) donc , dans ce cas, leur morale à elles, et qui nous privent d’exploiter ce moyen qui nous est cher au nom des bonnes manières, on se trouve obligé donc, surtout quand on est avec un groupe d’amis dans un café , et que c’est eux qui vont payer (volontairement ou pas, c’est pas un dilemme) de demeurer coincés à articuler des formes de politesse dépassées tout en essayant de se rappeler quelques formules magiques dites et redites dans les infos de 20 h à Tunis 7 , au point qu’on entend parfois quelques applaudissements pavloviens après chaque phrase !

Mais ce qui est paradoxal c’est que, pour ces schizophrènes qui n’arrêtent pas de nous censurer, un mot grossier en Français est accepté , on te considère voire comme un intellectuel si tu le fais, hélas, ce n’est pas le cas pour notre langue maternelle , même dans un contexte très sérieux et instructif , si par exemple, on se tente d’analyser objectivement un phénomène à la fois sociologique et économique comme la prostitution ou les causes de transmission du SIDA , dans ce cas , ce qu’on appelle « les gros mots » sont inévitables et primordiaux , donc là pour satisfaire a ces âmes hypersensibles on a généralement recours a des antiphrases comme « une fille qui n’est pas bien » (même si ce n’est pas forcément le cas) ou bien « on ne doit jamais faire des petits trucs sans ‘9achabia’ » (habit traditionnel berbère qui ressemble à la capote) et même « la maladie des bonnes gens » (mardh lekebr) inventée par les Tunisois (à l’époque ou ils étaient de race pure) pour ne pas dire homosexualité : on se sent ridicule certes mais on perd surtout l’efficacité et la concision avec ça !


« klem le9be7a » est nostalgique, magique, savoureux et raconte le passé , je me rappelle que lorsque j’etais encore gamin à Kélibia, j’entendais souvent les vieilles femmes dire quelques mots pendant les longues soirées de « Kaàk » (gâteaux traditionnels à Kélibia) , je reconnais que je ne parvenais pas à déchiffrer mais les rires louches me disaient qu’il y avait quelques chose qui cloche ! en outre , après une analyse moins subjective à notre histoire et notre culture Tunisienne , on voit facilement que nos ancêtres n’étaient pas si angéliques que l’on croyait , effectivement « klem le9be7a » était fortement présent dans les proverbes et « nes bekri » ont prouvé qu’ils sont finalement aussi « humains » que nous le sommes , mais ce qui est vraiment marrant c’est que, peut être a cause du fait que nous sacrons notre passé que ces proverbes avaient un coté caricatural avec ces quelques mots grossiers , telque (si tu joue avec le singe, il te montrera son trou de cul) dont l’équivalent (al3eb beno5ala ybarbchek eddjej) mais le second est ringard si on le compare au premier qui dégage une certaine magie et force dues principalement au choc psychique très bien étudié et qui révèle une éventuelle compréhension de la théorie de l’évolution de Darwin , il y a aussi (ki ken **** fel, konna a7na ****) ce qui donne en français facile « quand les attouchements furent rares, nous faisions déjà l’amour » qui montrent aussi que nos chers ancêtres étaient de véritables artistes en matière de sexe et que hélas ils avaient le minimum de culture sexuelle qui nous manque aujourd’hui en 2010, sans oublier la fameuse « ya bnayti la tlabbsek dh’hab w la tkachfek ala *** dont le sens « oh fillette, que tu sois a jamais privée d’or et de pénis » qui résume , en critiquant, le regard superficiel de quelques filles à la vie : fortune et mariage !

La liste est encore langue et pas mal d’autres citations un peu érotiques et voire pornographique prouvent que notre patrimoine est bourré de « mot grossiers » alors, pourquoi a-t-on honte de notre culture ? et pire encore, pourquoi on se crée d’avantage des tabous « contemporains » qui nous accablent au lieu de nous libérer de ceux déjà existants ?!


*** , **** et **** sont des mots, connues par tout le monde, et utilisées surtout par la plupart, jeunes, vieillards, profs, médecins, chômeurs … je parie que même un Imam cool et décontracté lorsqu’il entend l’appel à la prière du matin pendant une nuit hivernale glaciale , il aurait certainement dit : « Oh putain, *** *** ***… !!!» Or, comme dans toute autre langue , un mot n’est inventé que lorsqu’on en a besoin, donc arrêtons d’être hypocrites et servons nous en, surtout essayons d’apprécier le bon coté des choses, parce que l’usage « intensif » et « gratuit » de « klem el9be7a » peut révéler un déséquilibre psychologique ce qui aide d’une manière notable à le remédier !

I have a dream, c’est que mes enfants un jour, viveront dans un pays où ils pourront s’exprimer en toute liberté, où les libéraux ne se font pas bombarder facebookement par les extrémistes, où toutes les couleurs auront le droit de coexister en paix , où on ignore complètement le nombre 404, où on
ne leurs demande pas « quelle est votre religion ? » mais plutôt « qui êtes vous ? » , où ils répondront leurs profs par « ******* » à la fameuse question : « c’était comment les exams ? » …
I have a dream, mais qui hélas, dans ces circonstances, n’est qu’un réve !!!


SAIF KSIBI le 24/05/2010

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